Éoliennes en forêt ardennaise : un dossier qui mérite la raison non les émotions (La Libre 10/04/2024)

JFC 19.04.2024

Sous certaines conditions, le développement de l’éolien en forêt, en complément des zones agricoles, industrielles et en mer, mérite d’être soutenu. Pour se forger une opinion éclairée,des chiffres et des faits doivent être rappelés.

Une opinion de Mario Heukemes, administrateur de REScoop Wallonie, fédération de 43 coopératives de production d’énergie renouvelable.

Il y a peu, un collectif de comités a publié dans La Libre Belgique un plaidoyer pour la défense de la forêt auquel la fédération REScoop voudrait joindre sa voix… en rectifiant quelques contre-vérités.

 REScoop Wallonie est la branche régionale d’une fédération de 43 coopératives de production d’énergie renouvelable (EnR) regroupant 108.000 Belges. Ces personnes sont, elles aussi, motivées par la protection de la forêt et de la biodiversité. Elles savent l’urgence de développer les EnR afin de ralentir le réchauffement climatique. Et que freiner le développement des EnR c’est compromettre la protection des espèces au niveau planétaire. Le réchauffement a commencé et la forêt évoluera de toutefaçon, grâce à la “banque de graines” du sol, qui n’est impactée que dans des proportions infimes par les éoliennes.

Réflexion à court terme

C’est pourquoi REScoop Wallonie soutient, sous certaines conditions, le développement de l’éolien en forêt, en complément des zones agricoles, industrielles et en mer. Cette vision à long terme n’est pas comprise par les comités locaux, mal informés des faits scientifiques, techniques et réglementaires, mus par une réflexion à court terme, par l’effet “NIMBY” et par une vision romantique de la forêt.

Tout d’abord, citons des chiffres. Pour atteindre les objectifs de la Wallonie, il faut construire 45 éoliennes par an d’ici 2030. Leur impact réel sera : 1) La fondation de 3 m de profondeur et 30 m de diamètre maximum. Même si toutes ces éoliennes étaient construites en forêt, cela représenterait 22,3 ha. Soit une perte de 0,0041 % du sol forestier wallon (546.000 ha). 2) Le déboisement de longue durée : 0,5 ha par éolienne (dont la moitié d’aire de grutage, au sol compacté mais pas détruit) soit 158 ha ou 0,029 % de la forêt wallonne. Rien qui influe sur sa capacité à réguler la température et la pluviosité. La forêt wallonne n’a jamais été aussi vaste : elle ne faisait que 346.500 ha voici 200 ans. 3) Le déboisement lié à une éolienne fait perdre à la forêt une capacité d’absorption de CO2 de 10 t/an. En contrepartie, elle évite la production en centrale électrique thermique de min. 2.500 tonnes/an… 4) Il n’y a aucun “bétonnage” des surfaces d’accès ou de service, sauf la fondation, entièrement démantelée après 30 ans. Les voies d’accès à la machine sont les chemins forestiers existants, parfois prolongés ou renforcés par empierrement ; les travaux qui en résultent n’impactent pas le sol en profondeur.

L’émotion, non la raison

Ensuite, évoquons des faits. Le texte du comité convoque l’émotion, non la raison. Opposons des faits à ces craintes irraisonnées.

1) “L’industrie éolienne n’a pas sa place au milieu d’espaces naturels authentiques.” En effet, et c’est pourquoi la réglementation interdit toute implantation dans les forêts de feuillus. Elle ne l’autorise (et non “privilégie”) que dans celles de résineux, simples monocultures rasées tous les 60 à 80 ans. Il est regrettable que la mise en page de La Libre ait choisi d’illustrer le texte par une photo de feuillus…

2) Le démantèlement n’est pas financé par les citoyens : pour obtenir son permis, le développeur éolien est tenu de consigner les frais de démantèlement sur un compte bloqué ou par garantie bancaire au profit de la Région. Les matériaux des éoliennes sont recyclés à 99 %. Le site est restauré dans son pristin état, y compris la destruction des fondations. La présence des éoliennes est réversible.

3) Plus les éoliennes sont hautes, donc puissantes, moins il faut en construire, plus le bout de pale est éloigné de la canopée (distance requise : min. 30 à 35 m) et moins elles risquent d’impacter les chiroptères. L’atteinte à la biodiversité est limitée par des mesures d’atténuation (arrêt des machines lorsque la météo est favorable au vol des chauves-souris) et de compensation (1 ha par éolienne pour la création de zones attractives, nichoirs, etc.).

4) Les infrasons naturels ou artificiels sont omniprésents (moteurs, machines, vent, mer). Ils sont généralement inoffensifs et aucune étude n’a établi que ceux générés par les éoliennes avaient un impact sur la santé à la distance requise par la réglementation. On invente des situations qui n’existent pas, on est dans le domaine de la croyance, de l’effet nocebo, non dans la rationalité.

Une balance des urgences et des priorités

REScoop met en balance les impacts locaux sur la biodiversité avec les objectifs de préservation au niveau régional et planétaire. Toute mesure, basée sur des données fausses, qui ralentit le développement des énergies renouvelable empêche aussi de freiner le réchauffement climatique qui, lui, provoquera une atteinte majeure aux forêts et à la biodiversité.

Au niveau humain, la participation citoyenne promue par REScoop est l’occasion demettre les citoyens à la manoeuvre, de démocratiser le secteur de l’énergie, d’assurerune meilleure maîtrise des prix de l’énergie et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. REScoop soutient aussi les communes pour qu’elles prennent leur part dans une redistribution équitable des revenus d’une ressource locale et assurent une planification concertée sur leur territoire au profit de leurs citoyens.

Aucun opposant qui en fait une question de principe ne sera convaincu par ces arguments. Il s’agit ici uniquement d’informer correctement les personnes neutres qui souhaitent se forger une opinion éclairée.